الاثنين، 13 يوليو 2015

Sihr, en arabe classique, vient du verbe sahara qui veut dire : « quelque chose [d’irréel] qui s’impose au regard jusqu’à ce que celui qui regarde croie que ce qu’il voit est réel (Lisān al-‘Arab). En dialectal marocain, shūr désigne tous les rites qui provoquent des changements néfastes dans l’état des personnes, qu’il s’agisse de leur bien-être, de leurs sentiments, de leurs comportements ou, bien sûr, de leur santé.


2La sorcellerie est une pratique qui existait avant l’islam. Les personnes qui parlaient trop bien étaient, par exemple, considérées comme des sorciers ; c’est ainsi qu’on accusa aussi le Prophète d’en être un. Mais il fut aussi victime de la sorcellerie. Suivant Al-Bukhari :

« ‘Aicha a dit : « L’envoyé de Dieu avait été ensorcelé au point qu’il s’imaginait avoir fait une chose qu’il n’avait pas faite. Or, un certain jour qu’il était chez moi, il invoqua Dieu à plusieurs reprises, puis il me dit : « Ô ‘Aicha, sais-tu bien que Dieu vient de me donner la décision que je lui avais demandée ? – Et comment cela, ô Envoyé de Dieu ? demandai-je. – Deux hommes, me répondit-il, vinrent à moi ; l’un s’assit à mon chevet, l’autre à mes pieds. Puis l’un d’eux dit à son compagnon : « De quoi souffre cet homme ? – Il a été ensorcelé. – Qui l’a ensorcelé ? Lebid-ibn-el-a‘sam, le juif des Benou-Zorīq. – Et sur quoi ? – Sur un peigne, une mèche de cheveux et l’enveloppe d’une spathe de palmier mâle. – Où sont ces objets ? – Dans le puits de Dzou-Arouân. » Le Prophète, accompagné d’un groupe de ses compagnons, se rendit au puits ; il le vit entouré de palmiers. Revenant auprès de ‘Aicha, il dit : « Par Dieu ! on dirait que son eau est une infusion de henné et que ses palmiers ont des têtes de démon. – Ô Envoyé de Dieu, demanda ‘Aicha, as-tu retiré ces objets ? – Non, répondit-il, parce que Dieu m’avait soulagé et guéri et que j’ai craint de provoquer par là une animosité contre les fidèles. » Il donna un ordre et le puits fut comblé. » (1914, p. 87-88)
Sihr, en arabe classique, vient du verbe sahara qui veut dire : « quelque chose [d’irréel] qui s’impose au regard jusqu’à ce que celui qui regarde croie que ce qu’il voit est réel (Lisān al-‘Arab). En dialectal marocain, shūr désigne tous les rites qui provoquent des changements néfastes dans l’état des personnes, qu’il s’agisse de leur bien-être, de leurs sentiments, de leurs comportements ou, bien sûr, de leur santé.


2La sorcellerie est une pratique qui existait avant l’islam. Les personnes qui parlaient trop bien étaient, par exemple, considérées comme des sorciers ; c’est ainsi qu’on accusa aussi le Prophète d’en être un. Mais il fut aussi victime de la sorcellerie. Suivant Al-Bukhari :

« ‘Aicha a dit : « L’envoyé de Dieu avait été ensorcelé au point qu’il s’imaginait avoir fait une chose qu’il n’avait pas faite. Or, un certain jour qu’il était chez moi, il invoqua Dieu à plusieurs reprises, puis il me dit : « Ô ‘Aicha, sais-tu bien que Dieu vient de me donner la décision que je lui avais demandée ? – Et comment cela, ô Envoyé de Dieu ? demandai-je. – Deux hommes, me répondit-il, vinrent à moi ; l’un s’assit à mon chevet, l’autre à mes pieds. Puis l’un d’eux dit à son compagnon : « De quoi souffre cet homme ? – Il a été ensorcelé. – Qui l’a ensorcelé ? Lebid-ibn-el-a‘sam, le juif des Benou-Zorīq. – Et sur quoi ? – Sur un peigne, une mèche de cheveux et l’enveloppe d’une spathe de palmier mâle. – Où sont ces objets ? – Dans le puits de Dzou-Arouân. » Le Prophète, accompagné d’un groupe de ses compagnons, se rendit au puits ; il le vit entouré de palmiers. Revenant auprès de ‘Aicha, il dit : « Par Dieu ! on dirait que son eau est une infusion de henné et que ses palmiers ont des têtes de démon. – Ô Envoyé de Dieu, demanda ‘Aicha, as-tu retiré ces objets ? – Non, répondit-il, parce que Dieu m’avait soulagé et guéri et que j’ai craint de provoquer par là une animosité contre les fidèles. » Il donna un ordre et le puits fut comblé. » (1914, p. 87-88)




Techniques du shūr
 En fait, suivant Mauss, il n’y aurait pas de rites strictement manuels : « Ainsi le charme oral pré (...)
8Le shūr implique soit des rites oraux, soit des rites manuels, soit les deux à la fois19. On peut suivre ici les distinctions opérées par Doutté (1984), à la suite de Mauss (1983) :


 Les rites oraux consistent dans la récitation de formules magiques pour obtenir ce que l’on désire ; par exemple, quand on a peur de la colère de quelqu’un, on dit : « zughba men tint m-mak taqfel fummek » (un poil du sexe de ta mère ferme ta bouche), ce qui est censé empêcher la personne de faire des reproches. Ces formules sont très répandues ; elles s’utilisent en général à la hâte, à l’occasion d’événements imprévus. Quand une jeune fille qui souhaite le mariage se retrouve avec des hommes, elle récite des formules d’une manière très discrète afin de leur paraître belle et d’être désirée. Quand on se trouve dans des situations incertaines ou dangereuses, on les utilise pour se protéger ou se défendre. Ces formules ne sont pas perçues comme malfaisantes, bien qu’elle ne comportent pas l’invocation de Dieu, contrairement au du‘ā’ (Gardet : Du‘ā’) qui peut aussi se dire dans de semblables circonstances.

 Les rites manuels sont des préparations obtenues en mélangeant des éléments minéraux, végétaux, animaux ou d’origine humaine : la tortue, le caméléon, la peau du lézard, l’œil de la huppe, la cervelle de la hyène, l’œil de l’hirondelle, les cornes de la chèvre ou du bouc, la rue, la coloquinte, l’armoise, l’astragale ainsi que plusieurs variétés d’herbe et même des fruits comme la pomme, l’orange et le citron, le mercure, le fer, le sel, l’alun et le sang d’une personne morte dans un accident. Les ongles, les cheveux, les peaux mortes et l’urine même de la personne que l’on veut ensorceler sont, tour à tour, utilisés. Nadia Belhaje a donné une liste d’ingrédients en usage dans la sorcellerie au Maroc : cantharide, œufs de caméléon, staphysaire, rue, belladone, mandragore, datura stamonium, mercure, etc. (Belhaje, 1986, p. 85-88).

11Mes informatrices m’ont procuré un certain nombre de recettes qui circulent aussi, avec quelques variantes, dans des livres écrits en arabe et édités au Liban ou en Egypte. Selon les libraires qui les vendent à Khénifra, ils ne sont achetés que par des fuqaha. Les femmes de Khénifra ne lisent donc pas ces livres et les recettes qu’elles utilisent sont transmises oralement, soit entre amies, soit obtenues d’un fqīh. Beaucoup d’entre elles concernent les rapports entre hommes et femmes et, naturellement, entre époux.

Pour qu’une femme soit aimée par son mari ou par l’homme avec lequel elle désire se marier, il faut :

« Prendre ses propres ongles, les mélanger avec les ongles d’une huppe, puis brûler l’ensemble et le faire manger à l’homme désigné. »
« Prendre la tête d’un corbeau, lui enlever la cervelle et mettre à la place un peu de terre sur laquelle l’homme désigné a marché, plus le fumier d’un âne, plus sept graines d’orge ; puis enterrer l’ensemble dans un endroit où personne ne risque de passer. Quand l’herbe pousse de quatre doigts, il faut l’arracher, l’écraser entre les mains, s’essuyer tout le corps avec et le lui faire manger. »
« Prendre un citron, mettre dedans un morceau de torchon qui a servi à essuyer le sperme, l’arroser avec de la soude caustique puis enferrer l’ensemble dans un carrefour. »
« Prendre le mouchoir avec lequel l’homme s’est essuyé après un rapport sexuel, le couper en sept morceaux qu’il faut faire bouillir toute une nuit. »
13Pour que la femme ait le pouvoir sur son mari, on doit :

« Prendre la langue d’un chien ou de préférence d’un âne et la faire sécher puis la faire manger au mari pendant sept jours. »
14Afin qu’un homme cesse d’être amoureux d’une femme, il est nécessaire de :

« Prendre les cheveux, les ongles et les peaux mortes de la femme, les mélanger avec sept plantes, les brûler dans un verre neuf qui n’a jamais servi et les faire manger à l’homme. »
Dans la catégorie des rites manuels entrent aussi les hrūz, gris-gris fabriqués par les fuqaha qu’on doit porter sur soi, ou brûler ou diluer dans de l’eau pure ou dans de l’eau mélangée à de la fleur d’oranger et qu’il faut boire ou faire boire. On peut aussi les incorporer dans une mixture conseillée par le fqīh.

 Ce qui est conforme à l’opinion de Mauss (1983).
163. Les rites manuels accompagnés d’incantations orales sont les plus répandus20. On récite des incantations en faisant le mélange des produits, avec la main gauche la plupart du temps. Une femme abandonnée par son mari et qui veut le faire revenir prendra, par exemple, de sa main gauche un mélange qui contient sept éléments (d’origines végétale et animale), les mettra dans un récipient d’argile contenant des braises de charbon de bois et se promènera ensuite dans toute la maison avec ce récipient dans lequel brûle le mélange en disant :

« Tel fils de telle, tu ne dors, tu ne te reposes que si ta tête est sur ma tête et tes pieds sur mon lit. Parole de Dieu, parole du Prophète et parole de Lalla Mkouna, fille de Mkoun le roi des djinns. Quand je dis tel fils de telle soit pour moi, qu’il le soit. »
Elle devra répéter l’opération sept fois. Il existe, cependant, des recettes très compliquées dont la réalisation demande beaucoup de temps et d’efforts. Ainsi, une informatrice, qui croit qu’elle ne peut avoir d’enfants à cause de la sorcellerie, m’a indiqué la recette suivante qu’elle utilise pour annuler celle-ci :




En fait, le domaine de la sorcellerie est relativement large tant par ses causes que par les manifestations qui la révèlent. La liste de celles-ci peut être longue sans pour autant être exhaustive. Je vais donner ici la traduction de l’une d’elles, figurant dans un ouvrage contemporain :
« I. La sorcellerie de la séparation 
1. Ses variétés : la séparation entre l’homme et sa mère ; la séparation entre l’homme et son père ; la séparation entre l’homme et son frère ; la séparation entre l’homme et son ami ; la séparation entre l’homme et son associé dans le commerce ou dans d’autres choses ; la séparation entre l’époux et son épouse (cette variété est la plus dangereuse et la plus répandue). 
2. Ses symptômes : le passage soudain de l’état de l’amour à l’état de la haine ; le doute entre les personnes ; ne pas présenter des excuses quand on a tort ; donner de l’importance à des désaccords minimes ; l’enlaidissement de la physionomie de l’homme aux yeux de son épouse et l’enlaidissement de la physionomie de la femme aux yeux de son mari, même si elle était des plus belles des femmes (en réalité, c’est Satan qui est chargé de faire la sorcellerie, qui se montre sur son visage pour l’enlaidir) ; l’ensorcelé éprouve de la répulsion pour tout ce que l’autre fait ; la haine de l’ensorcelé pour le lieu où se trouve l’autre personne (quand le mari est dehors, il se sent bien mais, dès qu’il rentre chez lui, il éprouve un malaise). 
II. La sorcellerie de l’imagination 
Ses symptômes : la personne voit bouger les choses qui ne bougent pas ; elle voit le petit grand et le grand petit ; elle voit les choses transformées, comme les gens qui voient les cordes et les bâtons comme des serpents qui bougent. 
III. La sorcellerie de l’amour 
Ses symptômes : l’amour exagéré ; le désir permanent d’avoir des relations sexuelles ; ne pas pouvoir se passer d’elle ; le désir profond de la voir ; l’obéissance totale. 
IV. La sorcellerie de la folie 
Ses symptômes : les fortes distractions, l’oubli et la stupéfaction ; la confusion dans la parole ; le regard fixe et hagard ; ne pas pouvoir demeurer au même endroit ; ne pas continuer un travail ; ne pas faire attention à son apparence ; dans le pire des cas, partir sans savoir où et, peut-être, dormir dans des lieux déserts. 
V. La sorcellerie de l’engourdissement 
Ses symptômes : la solitude ; se replier sur soi-même ; le silence constant ; la haine des assemblées ; avoir l’esprit vagabond ; avoir toujours des douleurs ; l’inactivité et le calme permanents. 
VI. La sorcellerie des hallucinations 
Ses symptômes : les cauchemars ; l’ensorcelé rêve que quelqu’un l’appelle ; il entend des voix l’appeler pendant l’éveil, mais il ne voit personne ; il a des obsessions ; il doute de ses amis et de ses parents ; il rêve qu’il tombe de haut ; il rêve qu’il est poursuivi par des animaux. 
VII. La sorcellerie de la maladie 
Ses symptômes : la douleur constante d’un membre ; l’épilepsie ; la paralysie d’un membre ; la paralysie totale ; le non-fonctionnement de l’un des sens. 
VIII. La sorcellerie du saignement (c’est une variété de sorcellerie qu’on fait uniquement aux femmes). 
IX. La sorcellerie pour empêcher la personne de se marier


Ses symptômes :
 des douleurs passagères qui ne guérissent pas en prenant des médicaments ; l’anxiété, surtout entre salat al ‘asr et minuit ; l’anxiété pendant le sommeil ; des maux d’estomac de temps en temps ; des douleurs en bas de la colonne vertébrale. » (Bali, 1983, p. 55-100)

La sorcellerie peut être faite par une voyante ou par un fqīh (maître d’école coranique) à qui l’on s’adresse en cas de problème ou de maladie. Ils peuvent venir chez leurs clients ; c’est ce que le docteur Mauran appelait les « consultations en chambre » (1910, p. 17223). Les femmes qui n’ont pas la possibilité de sortir de chez elles sans être accompagnées par leur mari ou par leur belle-mère ou celles qui appartiennent à un milieu aisé et qui ne tiennent pas à être vues chez ces praticiens y envoient une amie ou une parente. Une de mes informatrices, Khadija, qui aide les familles connues de Khénifra lors des grands travaux domestiques et qui fait la cuisine chez elles à l’occasion des fêtes qu’elles donnent, favorise le contact des femmes de ces familles avec les voyantes et les fuqaha,

L’ensorcelé(e)
 Lehrīra est une soupe marocaine. C’est l’un des rares plats qu’on mange individuellement.

On appelle l’ensorcelé (e) mashūr au masculin et mashūra au féminin. Quand un homme est très amoureux d’une femme et qu’il le montre, on dit ktbāt līh ‘end lfqīh (elle lui a écrit chez un fqīh) ou shrbāt līh f-lehrīra (elle lui a fait manger la sorcellerie dans la soupe24). D’une femme qui a un amant au su et au vu de son mari qui ne dit rien, on dit qu’elle lui a fait manger de la cervelle de hyène, c’est-à-dire qu’il est devenu comme la hyène ou comme l’âne, qui sont considérés tous les deux comme les animaux les plus bêtes et les plus obéissants. Pour les Marocains, traiter un homme d’âne ou de hyène est lui faire la pire des insultes. Quand un homme marié se remarie et répudie sa nouvelle femme en gardant la première, l’explication qu’on donne est que cette dernière est une sorcière qui a chassé la co-épouse grâce à sa sorcellerie. Et, dans le cas où c’est la première épouse qui est répudiée, on accusera la deuxième d’être une sorcière. Bien que la polygamie soit une réalité sociale, elle est assez mal vue et surtout mal vécue, du moins par la première épouse, sa famille et ses enfants. La sorcellerie joue un rôle très important dans ces situations, puisqu’elle permet d’excuser relativement le mari en disant : me‘mi (il est aveuglé), māchī lkhatrū (il s’est remarié malgré lui car il est ensorcelé). D’un autre côté, l’excuse du père permet à la première épouse et à sa famille de conserver intacte l’estime de soi, dans la mesure où le remariage ne peut leur être imputé comme la conséquence d’une faute qu’elles auraient commise.


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